Portraits de
parisiens
Henri Launay, amateur de jolies poupées
Henri Launay répare les poupées mais pas les coeurs brisés. Depuis 1964, ses mains d’expert font des miracles et rallument les yeux des vieilles dames dont il ranime la poupée de leur enfance. Dans sa boutique près d’Oberkampf, c’est une figure du quartier. Chacun en passant devant sa devanture jaune y va de sa remarque. Il y a les jeunes filles que « ça fait flipper » toutes ces têtes en vitrine, d’autres qui s’émeuvent devant le vieil homme fidèle à son comptoir en dépit des années. À l’intérieur, face à ce fatras de corps et d’objets, les enfants, comme les grands, ont envie de tout toucher, mais ici, c’est comme au musée : on peut regarder, poser quelques questions si Mr Launay est d’humeur, mais il est interdit de toucher « c’est trop fragile et parfois ce sont des pièces uniques ».
114, avenue Parmentier, 75011 Paris
0143570902
Tout ça, c’est mon univers, je prends les pièces là dedans
Il a commencé en réparant des articles de maroquinerie, des valises et même des parapluies mais la clientèle se faisait plus rare « parce que les gens préféraient acheter que réparer », alors il s’est spécialisé dans les peluches et les poupées anciennes. Surtout celles en porcelaine et en celluloïd. « J’ai eu la chance de savoir tout faire. Je suis un autodidacte. J’ai appris seul en lisant des livres et en contactant des fabricants qui me fournissaient les bonnes pièces pour mes réparations.
Réparer, ça coûte cher, je travaille pas à l’œil mais je peux voir ce que je peux faire avec cet œil de poupée si vous voulez !
Devant lui s’amassent des piles de corps, têtes, cheveux naturels… « Regardez tout ce qu’il me faut pour faire mon métier : des yeux en verre et en porcelaine que j’ai acheté il y a très longtemps, ils sont très rares. Pour faire ce métier, il faut avoir de très belles pièces, de l’outillage bien sûr et de la conscience professionnelle ! » Depuis l’interdiction de fabrication en celluloïd, car c’est une matière inflammable, et la sur-consommation, les petites filles ne font plus réparer leur poupée. Beaucoup ne rentrent que par curiosité, certains viennent même de très loin pour voir ce lieu hors du temps car le réparateur a eu des articles dans le monde entier « même en Argentine et en Australie » !
Je continue de travailler, si je n’ai pas ma boutique je suis comme mutilé
Sa clientèle ? Des collectionneurs et des sentimentaux. En vitrine, il a écrit de sa belle écriture, les histoires que certaines de ses clientes lui ont raconté. Des histoires de poupées, d’exode, d’amour, de croyances désuètes… Parce qu’en fait, Henri Launay répare aussi les âmes d’enfants.