Portraits de
parisiens
Émilie Bonaventure
Aux premiers regards, on pourrait dire que l’appartement d’Émilie Bonaventure ressemble à celui d’une collectionneuse. Mais l’adjectif qui lui convient le mieux c’est surtout amoureuse. Une passionnée éprise de mise en scène qui orchestre son intérieur au fil de ses rencontres. Ces mille et un trésors qui l’entourent et l’inspirent au quotidien sont autant de souvenirs qui racontent son parcours. Une chaise de 1987 signée Rei Kawakubo débusquée dans une vente, une des boîtes à hosties chinées et transformées en sucrier pour le restaurant Frenchie de Covent Garden, une bougie Fornasetti ornée d’une bouche rouge comme un éternel baiser…
« Ici, il n’y a pas un objet avec lequel je n’ai une histoire. Ils représentent tous la mémoire d’un moment » avoue-t-elle.
Son histoire personnelle, c’est celle d’une petite fille qui se rêvait chorégraphe puis à l’adolescence artiste. Après une formation d’Arts Appliqués, elle intègre l’école du Louvre. Ensuite tout s’enchaîne très vite grâce à son talent et de belles rencontres qui la mènent jusqu’à l’architecture d’intérieure et à la scénographie. En 2009 avec La Salle à Manger du Square Trousseau (12e), son nom apparaît dans un article du Elle Déco intitulé « Les 8 décoratrices à suivre ». La même année, elle dessine la boutique parisienne du créateur Stéphane Verdino (1Er) et en 2013, débute sa collaboration avec les restaurants Rose Bakery. Pour eux, elle réenchante la verrière s’ouvrant sur le jardin du Musée de la Vie Romantique (9e), imagine le café/restaurant de la Maison Balzac (16e) puis celui de la BNF Richelieu (2e) en 2022.
C’est à elle aussi que l’on doit l’adresse de l’Epoca (7e), le restaurant italien de Denny Imbroisi. « L’Italie, c’est ma famille, mes origines… c’est le soleil d’où le jaune lumineux du plafond et l’élégance avec un sol graphique noir et blanc ». Travailler avec des chefs est un exercice décoratif où elle excelle car de son enfance, elle a gardé le goût pour la gastronomie et la création culinaire. « Mon grand-père était chef, tout comme ma maman lorsque j’étais enfant. J’ai grandi dans une cuisine de restaurant et les dimanches, on allait souvent en famille déjeuner pour découvrir des nouvelles tables ! ». Fidèle, elle collabore depuis 2016 avec Greg Marchand pour qui elle dresse le décor de ses restaurants Frenchie dont la prochaine adresse L’Altro ouvrira en janvier 2024 rue du Nil (2e).
Si enfant elle voulait être chorégraphe, aujourd’hui, ce sont les objets qu’elle se plait à mettre en scène. « J’adore les spectacles vivants. Quand j’ai un brief pour un lieu, je l’imagine comme un petit théâtre et je donne vie à des personnages en rêvant du décor. Lorsque je travaille avec des particuliers sur des appartements, je peux aller encore plus loin en concevant de A à Z leur univers, de l’agencement au mobilier, en passant par les œuvres d’art. Je n’impose jamais rien, mais j’aime insuffler une certaine cohérence à un lieu ». Curieuse, elle ne cesse de flâner entre les galeries d’art et les allées des puces de Saint-Ouen. Sa formation à l’école du Louvre lui donne une expertise très personnelle.
À l’occasion de Paris Design Week et jusqu’au 16 septembre 2023, elle est d’ailleurs l’invitée de la Galerie Vauclair, 24, rue de Beaune (7e). À travers sa scénographie, elle pose son regard sur la collection d’objets de Laurence et Denis Vauclair-Rouquette pour nous entrainer dans son Japon fantasmé. Avec « Madame Butterfly », elle nourrit ce voyage immobile d’œuvres contemporaines avec notamment les photographies troublantes de Françoise Huguier. Entre subtilité et modernité, son charme a encore frappé.
La fin d’année s’annonce chargée avec une nouvelle adresse pour son Studio et la finalisation en janvier d’un projet qui lui tient à cœur, une maison dans le Perche. De belles aventures encore.